L’ACPR et l’AMF ont publié le 7 novembre 2023 la synthèse concernant leurs analyses des procédures de vigilances mises en œuvre dans certains établissements à l’égard des personnes âgées vulnérables. Si les autorités relèvent les efforts faits par les établissements, elles estiment que la prise en compte de la vulnérabilité est encore trop disparate d’un établissement à l’autre.
Depuis 2018, l’ACPR et l’AMF mènent des enquêtes concernant la commercialisation de produits financiers aux personnes âgées vulnérables.
En avril 2021, ces deux organismes de contrôle publiaient une synthèse et un communiqué dans lequel elles appelaient les professionnels des secteurs assurantiel, bancaire et financier à exercer une vigilance renforcée à l’égard de la clientèle âgée vulnérable et à se saisir d’ici 2022 des enseignements issus des ateliers thématiques du groupe de travail de Place.
L’ACPR et l’AMF appelaient en effet les professionnels à :
- Mettre en œuvre ou approfondir les actions de sensibilisation et/ou de formation des conseillers aux vulnérabilités potentielles des seniors, afin de mieux accompagner ces clientèles et de recueillir des décisions financières fondées sur un consentement éclairé ;
- Renforcer l’attention et l’accompagnement interne, au travers de la création d’un rôle de « Référent Vulnérabilité », à qui serait confiée la responsabilité de porter cette démarche auprès de la direction de l’établissement et de veiller à son implémentation dans les pratiques commerciales ainsi qu’à son suivi ;
- Accroître la vigilance pour mieux prévenir les risques, via le renforcement des procédures internes et via des contrôles permettant de limiter les risques de mauvaise commercialisation, sources de dommages pour les clients, et les risques de contentieux pour l’établissement.
En 2022, l’AMF et l’ACPR ont réalisé 16 entretiens bilatéraux avec les professionnels afin d’établir un état des lieux des avancées effectuées sur la base des recommandations antérieures.
Elles ont publié cet état des lieux le 7 novembre 2023.
Sur la formation des conseillers et la sensibilisation préventive des clients
Selon les établissements contactés par l’ACPR et l’AMF, 10 établissements sur 14 ont mis en place des formations dédiées à ses conseillers afin de détecter une potentielle vulnérabilité.
Les conseillers sont ainsi formés à détecter un certain nombre d’indices permettant d’identifier les personnes âgées vulnérables, tels que :
- L’âge et le versement de pensions de retraite ;
- Des difficultés de compréhension ou de raisonnement ;
- Un comportement ou des propos inhabituels ;
- Une apparence physique ou vestimentaire inhabituelle ;
- Des difficultés à utiliser les objets de la vie courante ;
- Des difficultés à communiquer ses idées ;
- Des difficultés à se repérer dans le temps ou dans l’espace ;
- Des difficultés à rester concentré sur la conversation ;
- Des difficultés à reconnaitre des personnes ;
- Des difficultés d’accès et d’utilisation des outils informatiques ;
- Une situation d’isolement géographique ou relationnelle ;
- Une situation de détresse émotionnelle.
Ces indices sont, dans la majorité des cas, identifiés durant un rendez-vous physique entre le client et le conseiller. Par ailleurs, ces critères sont difficilement applicables dans le cadre d’une vente réalisée à distance ou encore pour les collaborateurs d’agent et de courtier qui ne disposent pas nécessairement de toutes les informations susmentionnées sur leurs prospects et clients. Il faudra donc envisager d’adapter lesdits critères de qualification d’une personne vulnérable dans ces situations. La procédure interne de vigilance doit donc être adaptée en fonction des spécificités des acteurs de la place.
Cependant l’AMF et l’ACPR relèvent qu’un trop grand nombre d’établissement ne définit pas de critères précis permettant la détection systématique de ces indices, et bien souvent, la vulnérabilité d’un client est appréciée subjectivement par le conseiller, selon son intuition.
Les autorités appellent donc les professionnels à :
- Adopter une approche volontariste de l’établissement en matière de formation des conseillers qui s’appuie sur des définitions, critères et cas concrets partagés par tous liés au vieillissement et à la vulnérabilité ;
- Repérer des indices factuels, pouvant faire craindre une vulnérabilité ou une certaine « déprise », afin de disposer d’éléments d’alertes utiles à analyser pour traiter les situations voire à y remédier.
- Compléter la perception ou l’intuition du conseiller par ces indices factuels afin de développer une politique efficace de prévention homogène et transversale des risques lors du parcours client.
Sur la création d’un « référent vulnérabilité »
Seulement 6 établissements sur 14 ont intégré un « référent vulnérabilité ». Le rôle de ce référent varie d’établissement en établissement. Les missions de ce référent recensées en majorité sont :
- Accompagner les conseillers sur leurs questions pratiques ;
- Participer à la formation et à l’animation commerciale ;
- Suivre les alertes concernant les clients âgés ;
- Contrôler les dossiers des clients âgés vulnérables ;
- Recenser les bonnes pratiques en la matière et les relayer.
Si tous les établissements n’ont pas intégré de référent vulnérabilité, la moitié des établissements permet néanmoins aux conseillers de solliciter le point de vue d’un supérieur hiérarchique.
Face à ce constat, L’AMR et l’ACPR ont estimé que :
- La mise en place d’un dispositif personnalisé autour d’un Référent Vulnérabilité, peut permettre en centralisant cette compétence, de lui donner sa pleine efficacité et de porter cette préoccupation à un niveau hiérarchique adapté. Une telle organisation nécessite, en revanche, que l’établissement s’assure que ce rôle ne crée aucun conflit d’intérêts avec les autres responsabilités confiées à la personne qui l’exerce.
- Quel que soit le choix organisationnel retenu, le double regard systématique face à un doute sur le consentement éclairé du client est une bonne pratique. L’introduction d’une dimension collégiale dans le repérage et l’analyse des situations au travers d’un comité de discernement, paraît vertueuse. La conjugaison entre le soutien local sur le terrain et la dimension politique de prévention de la mauvaise commercialisation doit s’adapter à la culture et l’organisation de l’établissement afin de produire ses meilleurs effets.
En d’autres termes, les autorités soulignent l’importance que peut avoir ce référent dans la mise en œuvre opérationnelle de la procédure de vulnérabilité. Nous vous recommandons donc de mettre en œuvre ce référent qui pourra coordonner les situations complexes et prendre une décision éclairée en cas de suspicion de vulnérabilité. La désignation d’un référent vulnérabilité est une bonne pratique à mettre en œuvre rapidement pour les distributeurs concernés.
Sur le renforcement des procédures de commercialisation et contrôles internes
Certains établissements ont intégré cette vigilance tout au long du parcours client, dès la prise d’informations précontractuelles.
L’âge du prospect est ainsi un indice permettant de déterminer une potentielle vulnérabilité et mettre en œuvre une vigilance renforcée. La majorité des établissements ont ainsi établi un âge seuil, qu’ils déterminent de manière interne ou se référant à l’âge seuil de 85 ans de France Assureurs.
Une fois cet âge atteint par le prospect ou client, certains établissements :
- Limitent les moyens de souscription à une souscription uniquement physique, sur rendez-vous
- Interdisent certaines transactions au client
- Interdisent la prospection, le démarchage ou la promotion de produits complexes ou risqués
L’ensemble des procédures de commercialisation sont sécurisées par des contrôles de niveau 1 ou 2.
L’AMF et l’ACPR notent que « Les contrôles de niveau 2 ciblant spécifiquement des personnes âgées, ont été mis en place par un nombre restreint d’établissements. Ceci s’explique principalement par la mise en place récente des procédures de vigilance renforcée et des contrôles de niveau 1 ciblant les personnes âgées ».
A ce titre, elles encouragent les établissements à généraliser les contrôles de niveau 2 ciblant les personnes âgées, afin d’évaluer l’efficacité des dispositifs qu’ils ont mis en place et d’y apporter les éventuelles modifications nécessaires.
En conclusion, les établissements concernés par cette réglementation doivent impérativement affiner leurs critères de qualification de personne vulnérable, désigner un référent vulnérabilité, mettre en œuvre des procédures à double niveau pour les mesures de vigilance renforcée appliquées dans ces situations. Les autorités saluent la formation des conseillers dans ce domaine et soulignent l’importance que le big data et l’intelligence artificielle pourraient prendre pour concourir à atteindre les objectifs de protection et de contrôle interne.